A la recherche de nouveaux modèles de formation continue

Catherine Corbaz est professionnelle de la formation. Elle est membre du comité ASAT-SR.

En juin j’ai participé à un événement organisé par la Fédération suisse pour la formation continue (FSEA) sur la flexibilisation.

L’orateur Assaâd El Akremi de l’Université de Toulouse, actif dans le comportement organisationnel, a partagé avec le public ses réflexions sur la flexibilisation dans le monde du travail. Le 4 juillet, TravailSuisse a demandé le lancement d’une offensive pour la formation continue. En effet les chiffres montrent qu’en Suisse de moins en moins de personnes entreprennent des formations continues.

Du coup, je m’interroge : comment conjuguer les besoins de formation continue, qui sont indispensables pour rester à jour dans son champ de compétences, notamment technique, et l’observation selon laquelle la formation continue, pour être attractive, doit être de plus en plus individualisée ?

En effet, à la suite de la pandémie et du confinement, les formations en ligne sont devenues de plus en plus courantes. Parallèlement, l’intelligence artificielle se développe et intègre déjà de nombreuses offres de formation en ligne. Ainsi, l’individualisation de la formation prend une place de plus en plus importante, parfois sans que l’apprenant·e ne s’en rende compte, comme c’est le cas, par exemple, avec les applications d’apprentissage des langues telles que Duolingo.

La perspective que l’employé·e se formera face à son écran, sans nécessairement avoir des interactions dans une classe réelle, devient de plus en plus actuelle. Pourtant de nombreux formateurs et formatrices avec lesquels j’ai pu échanger ont constaté durant la pandémie que les interactions sociales entre les apprenants sont indispensables, notamment pour soutenir la motivation.

De plus, je suis convaincue, car je l’ai observé en travaillant à distance, la mémorisation se fait beaucoup mieux en présentiel que devant un écran, sans parler de l’intérêt des discussions autour de la machine à café. Ma mémorisation était plus difficile, car il me manquait toute une série de repères comme le lieu, les bruits, les odeurs, les couleurs, les émotions stimulées par les interactions sociales, notamment.

Alors, comment adapter la formation continue dans les années à venir pour rester attractif et assurer des apprentissages avec une compétence sociale ?

En lisant le nouveau livre récemment édité par Sari van Poelje et Anne de Graaf, New Theory and Pratice in Transactionell Analysis in Organisations : on the edge, j’ai trouvé un chemin intéressant dans l’article de Mandy Lacy, Learning practice at work : a case for cognitive apprenticeship. Dans son article, l’auteure illustre le modèle du micro-apprentissage et comment il peut être mis en place en entreprise avec deux exemples. Je tente ici de présenter brièvement un de ses exemples.

Chemin se séparant. Source : James Wheeler, pexels.com

Lors d’une intervention en entreprise, les managers participent à une formation. Les managers seniors d’une organisation reçoivent une introduction pratique et théorique sur la courbe de l’apprentissage et les 6P du contrat. Avant la formation, Mandy Lacy a demandé aux participants de réfléchir et d’amener des exemples de situations vécues de changement. Ainsi, l’intervenante permet aux cadres d’identifier leurs émotions, leurs apprentissages et leurs besoins. Un des constats est que les managers souhaitent améliorer l’efficacité des séances d’équipe. Suite à cette formation, l’intervenante propose aux managers d’introduire une séance de micro-apprentissage après une séance normale de travail dans l’organisation.

Ainsi, à la fin d’une séance d’équipe, le manager a demandé aux membres de son équipe de se lever et de nommer en 5-10 min ce qui a bien fonctionné durant la séance qui venait d’avoir lieu et quels apprentissages ils en tiraient. Le cadre de travail était orienté solution et proposait l’usage du « je ». En introduisant le mouvement, c’est-à-dire la demande de se lever, les membres de l’équipe s’engageaient physiquement dans une réflexion sur le déroulement de la séance. Puis un des membres de l’équipe devait lire les commentaires, puis le manager a mené une discussion sur ce qui pouvait être amélioré. La deuxième étape consistait à photographier et noter les engagements pris. Le tout étant alors documenté et mis en ligne dans le système de l’entreprise.

Lors de la deuxième session, la discussion menée par le manager, à la suite de la séance d’équipe s’est centrée sur les rencontres le travail et les pratiques lors de séances. Lors de la troisième session de micro-apprentissage, l’équipe est revenue essentiellement sur les pratiques lors des séances. Suite à l’observation des séances de micro-apprentissage, l’auteure a observé que la confiance en soi des managers a augmenté et la confiance de l’équipe également. J’y vois aussi pour les membres de l’équipe les apports comme la possibilité de développer l’auto-observation, le développement de l’échange entre eux, la capacité d’avoir du pouvoir sur les processus, et d’assurer le suivi de ses engagements lors de séances ultérieures.

Cet article m’a inspirée et permis de faire des liens avec ma pratique de formatrice et de manager. En effet, la méthode du micro-apprentissage peut être une alternative pour une formation continue en entreprise, mais elle repose sur des éléments classiques de la réussite d’une formation ou d’un coaching :

  • être en lien avec les besoins du leader et des équipes
  • développer les compétences de coaching du leader ou du manager
  • améliorer les processus, les rencontres, etc. en partant de l’expertise des membres de son équipe
  • soutenir les apprentissages d’une pratique réflexive et collaborative de l’équipe.

Le micro-apprentissage est nouveau et aussi l’illustration d’une forme d’analyse d’expérience, que l’on peut trouver dans certaines organisations. C’est assurément une forme d’apprentissage qui permet aux managers de jouer un rôle de facilitateurs, de faire remonter les besoins de leurs équipes et de favoriser des apprentissages expérientiels. C’est aussi une manière de construire le dialogue hiérarchique, à l’instar du modèle du Changement Emergent de Laugeri.

Alors regardons comment on peut intégrer le micro-apprentissage dans nos offres ou le rendre visible comme espace d’apprentissage ou d’aller vers plus d’agilité au sein des équipe.


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